Sacrée limonade sur Gambetta
Ce que l'e-commerce, l'Avenue 83, la crise des énergies, l'inflation galopante ou bien encore le Covid-19 n'avaient pas réussi à faire, la requalification de l'avenue Gambetta pourrait bien y arriver à elle seule : sonner le glas du commerce de centre-ville.
Premiers impactés par les travaux menés actuellement par Var Aménagement Développement (6 à 7 millions d’euros financés par la commune), les commerçants du bas de cette célèbre avenue hyéroise ont vu ces derniers mois leur chiffre d'affaire fondre comme neige au soleil ; chutant pour les uns de plus de 65% et obligeant les autres à augmenter leurs heures d'ouverture ou bien encore renoncer à leur jour de repos hebdomadaire afin de compenser (en partie seulement) le manque à gagner.
Sitôt les dalles enlevées sur les trottoirs, tranchées, barrières et gravats ont en effet vite dissuadé bon nombre de leur clientèle à mobilité réduite de venir tenter un « col du fémur » en se risquant à aller acheter leur baguette en déambulateur tandis que l’impossibilité de stationnement et la suppression des « déposes minute » finissaient de décourager les autres.
Sans parler des fréquentes coupures d'eau liées aux travaux qui obligent restaurateurs et autres métiers de bouche à déployer des trésors d'ingéniosité pour assurer bon gré mal gré leur service. A toute chose, malheur est bon : ils seront ainsi fins prêts pour les coupures d'électricité à répétition annoncées cet hiver.
La municipalité se veut pourtant rassurante dans les colonnes de Var-Matin, se disant « à l'écoute, fai(sant) le maximum et recev(ant) les mécontents ».
Mécontentement qu'il faut bien comprendre puisqu'un commerçant ne peut évidemment pas prendre l'absence de chalands d'un air non-chaland...
On nous confirme également dans l’article qu'il y aura bien une commission d'indemnisation amiable après travaux mais la problématique est que ces aides n'arriveront qu'en décembre 2023 soit 18 mois après le début des travaux alors qu'il faut savoir que plusieurs commerçants exsangues sont déjà obligés d'engager une procédure de cessation de paiement auprès du Tribunal de Commerce.
Sachant que pour pouvoir prétendre à une quelconque indemnisation, ils devront obligatoirement fournir l'incontournable attestation de l'URSSAF prouvant qu'ils sont à jour de leurs cotisations sociales ; document qu'ils seront, vous l'aurez compris, bien en peine d'obtenir puisque, par définition, ils sont en cessation de paiement des cotisations URSSAF comme du reste...
Paradoxalement, ce sont donc les commerçants qui en ont le plus besoin qui verront se refermer devant eux la porte des indemnisations... Bel exemple de serpent administratif qui se mord la queue, sur lequel la municipalité ne souhaite visiblement ni communiquer, ni même esquisser l'ombre d'une solution.
Pour expliquer l'impossibilité pour la commune de faire l'avance des indemnisations, l'adjointe au maire Véronique Bernardini (un des rares couteaux suisse de la majorité au capital sympathie encore intact) se réfugie en effet dans l'article de presse derrière le juge qui pilote la commission et dont les délais d'instruction seraient apparemment incompressibles.
Pourtant, on ne peut pas dire qu'on essuie aujourd'hui les plâtres puisque la situation était sensiblement identique sur l'avenue Alphonse Denis requalifiée en 2019 et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il fallait donc bien s'attendre à ce que les commerçants de Gambetta tirent eux-aussi la langue le moment venu.
Pourquoi donc avoir attendu le conseil municipal du 23 septembre 2022 pour créer une commission d'indemnisation alors que les travaux avaient commencé dès le 1er juin et qu'ils étaient même annoncés en fanfare depuis novembre 2021 dans le journal local ?
Encore la faute du juge sans doute.
A les écouter, on croirait presque que c'est le juge qui est à l'origine de ces travaux... Se pourrait-il même que ce soit lui qui conduise le tractopelle ???
Bon prince, la municipalité ne fera pas payer l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public pour l'occupation des terrasses vides pendant la période des travaux.
Quant aux commerçants qui n'ont pas la chance (ou les moyens) d'employer un expert-comptable dans leur entreprise, ils devront pourtant bourse délier puisqu'il est obligatoire pour la constitution du dossier d'indemnisation.
Une anecdote assez révélatrice du peu de cas qu'on semble faire aux commerçants hyérois : début décembre, certains commerçants ont reçu un courrier de la part de VAD.
La fin de leur chemin de croix et l'arrivée des indemnisations tant attendues ?
C'est en tout cas ce qu'ils espéraient...
Mais leur désillusion fut finalement à la hauteur de leur espérance puisqu’on leur rappela seulement dans la missive qu'il faudrait qu'ils libèrent le domaine public au plus tard début janvier 2023 en vue des travaux de terrassement.
Et que, faute du retrait de leurs terrasses couvertes dans les délais impartis, c'est Var Aménagement Développement (VAD) qui prendra alors en charge leur dépose et leur évacuation à la décharge, sans possibilité de récupération de leur mobilier.
Le coup de grâce, c'est que VAD en profite pour leur rappeler que leur mobilier actuel ne pourra pas être reposé puisqu'il n'est pas conforme à la réglementation SPR (Site Patrimonial Remarquable) et AVAP (Aire de Mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine).
Bien entendu, le nouveau mobilier aux normes restera à leur charge, petit effort financier supplémentaire somme toute bien négligeable au regard du privilège d'occuper une terrasse sur une avenue si bien requalifiée...
En tout cas, nous sommes heureux de constater qu'on prend finalement bien en considération le patrimoine de notre belle ville d'Hyères car on avait en effet quelques doutes lors de nos précédentes investigations.
Ce qui nous interpelle également, c'est que peu de commerçants rencontrés dans le cadre de notre article semblent réellement informés de la nature exact des travaux, malgré les réunions d'information que la municipalité a pourtant bien organisé.
En discutant avec nous, ils semblent par exemple découvrir pour la plupart le curieux nouveau sens de circulation prévu en haut de l'avenue Gambetta, alors que le visuel du projet apparaît pourtant clairement sur les flyers d'information distribués dans le cadre de la mise en place de la commission d'indemnisation amiable après travaux.
Après l'étonnant sens giratoire avec priorité à droite au niveau des « Dames de France » qui fait aujourd'hui attraper le bâti-bâti à bon nombre d'automobilistes et génère des embouteillages assez cocasses où chacun hésite à avancer, ne sachant plus qui doit céder la priorité à qui, la municipalité persiste et signe en mettant en sens unique descendant le haut de l'avenue Gambetta.
(on a ajouté des flèches rouges et vertes 😉
pour mieux vous faire comprendre la situation...)
Quid des bus ou des camions qui voudront remonter cette étroite ruelle qui ne peut accueillir qu'une douzaine de véhicules à la fois ?
(bientôt transformée en avenue ?)
Et comment débouchera cette ruelle sur l'avenue du Docteur Jean-Jacques Perron ? Un feu tricolore, un « cédez le passage » ou une bonne vieille roulette russe ???
Quant aux mêmes camions qui se décourageront et voudront faire demi-tour, leur rayon de braquage ne fera sans doute pas bon ménage avec l’exiguïté du futur sens giratoire prévu de forme oblongue afin de corser encore un peu plus la manœuvre.
Pas grave, nous direz vous : cela fera la part belle aux vélos et aux modes doux de transport !!! Ah zut, non, c'est vrai, pas de piste cyclable prévue non plus...
Mais quand on veut tuer le commerce, rien ne vaut un bon embouteillage...
Car, si le planning de requalification du triangle d'Or est bien respecté, les bouchons prévisibles à l'horizon 2025 finiront probablement de décourager les derniers irréductibles clients, si d'aventure il reste encore des petits commerçants d'ici là...