Nouvelle plantation à Olbius Riquier

Après la Madrague, c'est maintenant au tour du jardin Olbius Riquier de voir fleurir une espèce botanique devenue malheureusement endémique ces dernières années à Hyères : la Bétonica Machina (également connue sous le nom de « cocotier de Saint-Cyr »).

Depuis déjà plusieurs jours, sa silhouette métallique s'élève en équilibre à près de 30 mètres de hauteur,  surplombant la frondaison de ce jardin remarquable et dépassant de plus de 6 mètres le plus haut des palmiers Washingtonia du parc, à la manière d'un grand pavois aux armoiries de VINCI, généreux mécène de la commune.


Nouvelle perspective s'offrant dans le parc
au regard des passants

Habitué à accueillir les oiseaux migrateurs, le parc voit ainsi arriver une superbe grue blanche (et rouge) qui n'est pas prête de repartir cet automne et il faudra sans doute maintenant que ce parc plus que centenaire s'habitue aux camions, aux pelleteuses et autres engins de chantier qui troubleront désormais la quiétude des lieux.

Après les trucs et astuces pour ficeler un permis de construire, c'est donc pour nous l'occasion de revenir sur une autre méthode couramment employée à Hyères pour obtenir une autorisation d'urbanisme : le passage en force.

Rappel des faits : En février 2017, le groupe VINCI Immobilier Résidentiel déposait un permis de construire de 167 logements aux abords immédiats du parc Olbius Riquier, sur un terrain initialement prévu dans le Plan d'Occupation des Sols (document d'urbanisme en vigueur avant la création du Plan Local d'Urbanisme) pour une extension du jardin remarquable Olbius Riquier.

Deux Comités d'Intérêt Local (le CIL Olbius Riquier et le CIL du quartier des Rougières), une copropriété mitoyenne (la résidence du Parc Olbius Riquier) et un particulier contestèrent alors les constructions du « Green Park » pour différents motifs parmi lesquels les conditions d'accès routier et de stationnement, l'inondabilité de la zone concernée ainsi que l'abandon du projet d'extension du parc.

Trois recours distincts furent ainsi engagés contre ce permis de construire devant le Tribunal Administratif de Toulon.

Après avoir essayé, dans un premier temps, de négocier une « transaction » amiable avec les plaignants puis menacé les présidents des deux CIL de les « endetter sur plusieurs générations », le groupe VINCI passa à la vitesse supérieure en assignant tous les requérants devant une deuxième juridiction, le Tribunal de Grande Instance (devenu entretemps Tribunal Judiciaire Ndlr) ; un huissier de justice leur remettant en mains propres une assignation sur laquelle le groupe immobilier international réclamait à chacun d'entre eux la coquette somme de 236 466,8 € pour recours abusif.

Après les tentatives de « négociation », puis l'intimidation, était maintenant venu le temps de l'assignation...

En réclamant des dommages et intérêts prohibitifs et en multipliant les procédures (et par conséquent les honoraires d'avocats), devant des juridictions différentes, il est évident que VINCI mettait ainsi une pression financière considérable sur ces deux associations de défense, à la manière d'une version moderne du combat du pot de terre contre le pot de fer...

Et c'est ainsi que VINCI réussit facilement à dissuader le CIL Olbius Riquier et la résidence mitoyenne du projet de poursuivre leurs recours. Pour cette dernière, les propriétaires des bâtiments non concernés par le futur vis à vis du projet « Green Park » (devenu entretemps « Canopy » afin de gommer sans doute l'image sulfureuse associée au précédent projet) s'étaient désolidarisés de la procédure engagée, probablement sur les conseils avisés des avocats de VINCI.

Le rouleau compresseur VINCI était bien en marche et avait déjà réussi à écarter 50% des plaignants avant même l'audience au tribunal administratif.

Quelques jours avant le jugement, le rapporteur public (magistrat qui analyse le litige préalablement à l'audience Ndlr) communiqua aux différentes parties la synthèse de ses conclusions ; reprenant les arguments de VINCI et de la commune en rejetant sur la forme le recours du CIL du quartier des Rougières pour défaut d'intérêt à agir.

A la veille de l'audience, VINCI avait donc éVINCé 75% des requérants...

Ce qui se passa ensuite, sans doute que bien peu de personnes le savent réellement... Toujours est-il que le jour J, le tribunal informa l'auditoire que le dernier requérant avait retiré son recours, laissant à penser qu'une « négociation » entre les parties avait eu lieu in extremis, suite à la parution des conclusions du rapporteur public qui étaient favorables à ce particulier. Mais nous n'en connaîtrons probablement jamais les termes exacts...

100% des recours étaient donc maintenant soient retirés, soient rejetés sur la forme.

Mais il fallait encore que le tribunal écoute les plaidoiries et délibère, même si ce n'était qu'une pure formalité ; les magistrats suivant dans la plupart des cas les conclusions du rapporteur public.

Et c'est en exposant dans le détail ses conclusions en début d'audience que le rapporteur public créa une véritable surprise dans l'auditoire, rejetant certes sur la forme le recours du CIL du quartier des Rougières pour défaut d'intérêt à agir tout en admettant dans le même temps que, sur le fond, le permis lui semblait illégal, ayant été délivré le 20 février 2017 suivant l'ancien Plan d'Occupation des Sols (POS) alors que le nouveau Plan Local d'Urbanisme était pourtant approuvé depuis le 10 février 2017.

Car à quoi bon engager une procédure longue et laborieuse (près de 3 ans) d'élaboration du PLU hyérois si c'est pour revenir au POS quand ça vous chante ??? Et pour des motifs qui semblent encore aujourd'hui pour le moins abscons aux principaux intéressés.

Mais le tribunal s'arrêta malheureusement lui aussi à la forme et conclut que le recours du CIL du quartier des Rougières était irrecevable, sans prendre le temps de juger le fond du dossier, ni même de l'évoquer dans son délibéré.

38 mètres, c'est la distance qui sépare les premières habitations du quartier des Rougières des immeubles du « Green Park » et c'est, pour le Tribunal Administratif de Toulon une distance trop importante pour pouvoir contester un permis considéré par le rapporteur public lui-même comme étant illégal.

38 mètres, c'est la distance qui permet à VINCI de construire en toute impunité ses 167 logements.

Pourtant, si la légalité est le bien de tous, chacun d'entre nous ne devrait-il pas avoir intérêt à agir à contester un permis illégal ???

Malheureusement les loi ALUR et ELAN, qui portaient beaucoup d'exigences environnementales (mais finalement bien peu de contraintes), ont paradoxalement durci les conditions de recours des associations de défense de l'environnement afin de « faciliter la construction de nouveaux logements » ; laissant ainsi carte blanche aux promoteurs.

D'ailleurs, il faudrait se demander qui, dans ces conditions, pourra encore demain contester un permis illégal ?

Lors de l'audience, le malaise des magistrats était presque palpable et c'est sans doute pour cela que le CIL ne fut pas condamné a verser les 5000 € d'honoraires d'avocat réclamés par VINCI et les 2500 € réclamés par la commune.

Fort des conclusions du rapporteur public, le CIL engagea alors deux actions de « la dernière chance ».

La première fut de rédiger une lettre ouverte au maire, lui demandant officiellement de retirer le permis de construire litigieux.


Var-Matin du 7 septembre 2019

La seconde fut de saisir la chambre de cassation du conseil d'Etat, seule juridiction compétente puisqu'il n'y a plus désormais de possibilité d'appel pour les zones en déficit de logements sociaux (toujours pour faciliter la construction de nouveaux logements Ndlr).

Il fallut au CIL débourser près de 4000 € d'honoraires d'avocats supplémentaires pour s'entendre dire par la chambre d'admission du Conseil d'Etat que son recours n'était, toujours sur la forme, pas admissible.

L'affaire s'arrêta donc là, sans autre forme de procès.

Car, comme l'expliquait déjà Jean de la Fontaine, il y a près de 5 siècles, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

Quant à la lettre ouverte, elle reçut bien évidemment une fin de non-recevoir de la part du premier magistrat de la commune mais également du Préfet du Var, tous deux pourtant garants du contrôle de la légalité.


Var-Matin du 10 septembre 2019

Jean-Pierre GIRAN indiqua ne pas souhaiter prendre partie, estimant qu'« il s'agissait d'un conflit entre une association et une entreprise privée », en omettant de préciser que c'étaient ses propres services qui, en délivrant ce permis contesté et contestable, étaient à l'origine dudit conflit.

Pourtant, ne rien dire sur les tentatives d'intimidations financières d'une entreprise multinationale à l'encontre de 2 associations bénévoles hyéroises, n'était-ce pas finalement déjà prendre partie ?

Probablement qu'il doit être difficile de dire non à la multinationale VINCI, mécène de la commune et acteur incontournable des marchés publics hyérois.

Et que dire également de ce dernier meeting Facebook de campagne municipale (le 25 juin 2020 Ndlr) où Jean-Pierre GIRAN n'hésitait pas publiquement à déclarer cyniquement au sujet du recours du CIL du quartier des Rougières « qu'ils feraient mieux de réfléchir et que cela leur ferait sans doute du bien » ?

Dans tous les cas et quoi qu'il en soit, VINCI aura réussi son passage en force.

Vu le montant du projet (50 millions d'euros environ), on comprend aisément que VINCI ait défendu becs et ongles ses intérêts.

Ce qu'on a beaucoup de mal à comprendre, c'est que ni la Préfecture ni la mairie n'aient levé le petit doigt pour rétablir le bon droit !!!

Quant à l'argument financier évoqué par le maire pour ne pas réaliser l'extension prévue du parc Olbius Riquier, elle prête à sourire sous l'éclairage de l'actualité municipale, quand on sait que l'argent public jeté par les fenêtres au musée de la banque de France (3,5 millions d'euros de dépassement de budget Ndlr) aurait amplement suffit pour réaliser cette extension de 35% du jardin remarquable, véritable poumon vert de la commune dont le réchauffement climatique nous fera sans doute comprendre, mais un peu tard, l'utilité pour lutter contre les îlots de chaleur urbains.

Sans compter que les subventions métropolitaines, départementales, régionales, gouvernementales (les jardins remarquables dépendent en effet du Ministère de la Culture Ndlr) voire même européennes auraient sans doute suffit à acquérir les terrains sans bourse communale délier, pour peu, bien sur, qu'on en fasse la demande.

L'épilogue de cette histoire s'est joué au Tribunal Judiciaire, en décembre dernier,  où VINCI a été purement et simplement débouté de sa demande des 236 466,8 € de dommages et intérêts et a même été condamné à payer 1500 € de frais de procédure au CIL du quartier des Rougières.

Jugement prononcé dans l'indifférence la plus totale ; le journal Var-Matin ne souhaitant sans doute ne pas se faire l'écho d'un jugement en défaveur d'un de ses principaux annonceurs.

Mais c'est une victoire à la Pyrrhus qui n'aura pas empêché les pelleteuses de creuser aujourd'hui la tombe de l'extension d'un des cinq jardins remarquables de la Métropole.


Dans cette affaire, l'armada d'avocats de VINCI (sans doute grassement payés sur le dos des futurs propriétaires) a œuvré de main de maître, intimidant les uns, négociant avec les autres et usant avec maestria de la récente jurisprudence de la loi ELAN pour réussir à convaincre le tribunal qu'à 38 mètres d'un projet, une association de défense n'est plus légitime pour contester un permis illégal.

Veni, Vidi, VINCI... 

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