MICHELET : dangereuse pour les mômes, idéale pour la Mode ?

C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition de l’école Michelet à Hyères (1888-2025). Alors que des générations de hyérois s'y sont succédées, y apprenant la lecture, le calcul et la citoyenneté, son histoire et son empreinte sur la ville vont bientôt s'effacer, comme de la craie sur un vieux tableau noir.

Quelle ironie du sort pour Jules Michelet, ce chantre de l’instruction publique qui écrivait « L’éducation, c’est la liberté » alors qu'on assiste aujourd’hui, impuissants, à la fermeture d’un bastion du savoir portant son nom. L’illustre historien, déjà décédé une première fois en 1874, subit donc aujourd’hui un second enterrement...

Mais n'accablons pas la municipalité qui, bien évidemment, a fait tout son possible pour que les écoliers puissent retourner le plus rapidement possible dans leur école.

Parfois, hélas, le destin s'acharne, voilà tout : une commission de sécurité passe, rend un avis défavorable en raison notamment de ruelles trop étroites pour les véhicules incendie et l'école se retrouve d'un seul coup condamnée. La mairie, un brin naïve, pensait pourtant obtenir une validation de routine, comme toutes les autres fois. Jean-Pierre GIRAN lui-même semblait perplexe : « On ne sait pas vraiment ce qui a changé […], une modification des normes à respecter ou l'identité du contrôleur » ?

Dès lors, pour l’école, l’avenir s’assombrit... Rouvrira-t-elle ? Ne rouvrira-t-elle pas ? Sera-t-elle reconvertie ?

Les écoliers, eux, s'adaptent, « sereins malgré l'exil forcé » comme titrait Var Matin le 17 janvier 2024. Un des enfants interviewés par le journaliste est ravi : «  je suis bien mieux ici, je préfère. La cour est plus grande […] je ne suis pas déçu d'avoir quitté Michelet ». C'est bien  connu, la vérité sort de la bouche des enfants, certes un écolier au vocabulaire plutôt mature pour son âge, mais un enfant tout de même dont le témoignage poignant tombait à point nommé pour apaiser les esprits.

Finalement, bien au delà des économies d'échelle que permet le regroupement des deux écoles, le déménagement sur Paul Long, solution temporaire à l'origine, s'est très vite révélé, à l'usage, être un mal pour un bien.

Et à chaque fois qu'un parent d'élève a pu douter un seul instant de sa bonne foi, la mairie est immédiatement montée au créneau pour tordre le cou à tous ces méchants loups...


Var Matin (11 janvier 2024)

Pour prouver sa totale transparence, la commune a même organisé une réunion publique quelques jours après la commission de sécurité (lire ici l'article que nous avions alors consacré) suivie d'un vote en conseil d'école.

« Nous respecterons la volonté des parents » promettait alors le maire.

Le verdict est tombé, sans appel le 3 février 2025 à midi et, « à une large majorité des parents d'élus et des enseignants, le maintien des enfants sur l'école Paul Long a été voté ».


Var Matin (4 février 2025)

Chronique d'une fermeture annoncée ?

Difficile dans ces conditions de reprocher quoi que ce soit à la municipalité, sauf évidemment pour quelques esprits chagrins, éternels méfiants pour qui tout semble toujours cousu de fil blanc, c'est usant...

Pourquoi en effet tant de scepticisme ? Certes, par un curieux hasard du calendrier, la commission de sécurité est passée trois jours seulement après qu'on ait appris que la Métropole TPM, associée notamment à la villa Noailles, faisait partie des 25 lauréats de la première phase du dispositif « Pôles territoriaux d’industries culturelles et créatives » à l'initiative du Ministère de la Culture, dans le cadre du plan « France 2030 ».

La Métropole remportait ainsi une enveloppe de 100 000 € (lire ici) et surtout la possibilité de concourir pour la deuxième phase de la compétition avec à la clé un pactole de 5 millions d'euros (sur 5 ans) pour créer un « pole de formation, de production et d'incubation d'entreprises axées sur les activités culturelles et créatives telles que la mode ou le design ».

« L'idée, c'est d'ancrer les créateurs ici », nous expliquait alors la directrice opérationnelle de l'association Toulon Var Technologies (TVT), également associée au projet, car « dans le milieu de la Mode, beaucoup passent par la villa Noailles mais ils ne restent pas car ils ont besoin de lieux de formation ».


Var Matin (25 novembre 2023)

Mais pour un projet d'une telle envergure, il faut des locaux. Et le hic, c'est qu'aux abords de la Villa Noailles, le foncier vient cruellement à manquer pour créer ces fameux lieux de formation...

Quel dommage de laisser passer une telle opportunité !!!

Heureusement, il reste encore une petite chance de profiter de cette manne providentielle puisque les résultats de l'appel à projet pour la deuxième phase devraient être connus bientôt, dans quelques semaines apparemment.

Des travaux qui se font désirer

Et ce sont sans doute les mêmes sceptiques maladifs qui se sont étonnés, lors de l'assemblée générale du Comité d'Intérêt Local de la haute-ville du 16 janvier dernier, qu' « aucun travaux n'a été entamé pour le moment ». Qui plus est, le rapport de diagnostic de sécurité, réalisé par la société DEKRA, n'a été rendu que le 11 octobre 2024, soit près d'un an après le passage de la commission de sécurité.

Ah, la France et son mille feuille administratif !!!

Un vote aux airs de simulacre...

Certains s’amusent également des conditions rocambolesques dans lesquelles se serait déroulé le vote.

Nous parlons bien évidemment ici au conditionnel puisque Edwige MARINO, adjointe à l'éducation, n'a pas souhaité répondre à nos questions sur les conditions précises de ce suffrage.

Lors du précédent conseil d'école, le 19 novembre dernier, représentants de parents d’élèves et enseignants avaient en effet refusé de voter ; afin évidemment de ne pas devoir endosser seuls une telle responsabilité.

Ils ne veulent pas voter ? Qu'à cela ne tienne, le service éducation jeunesse improvise alors un scrutin sans urne, sans bulletins et sans assesseurs... Un suffrage organisé à la va-vite, où les parents d'élèves sont informés par mail le jeudi 27 janvier qu'ils devront voter le lundi suivant, de 16h30 à 18h.

1h30 seulement pour sceller le sort de cette école plus que centenaire !

Dans le mail, notons une formulation « politiquement correcte » puisqu'on ne parle évidemment pas de fermeture de Michelet mais plutôt de « fusion des 2 écoles sur Paul Long ».


Bulletin de vote envoyé
aux parents d'élèves le 27 janvier

« Du grand n'importe quoi » se plaignent certains parents, obligés d'imprimer eux-même en toute hâte les bulletins et d'expliquer comme ils le peuvent les raisons du vote à certains parents qui ne parlent même pas français.

Le lundi soir, la responsable du service arrive à l’école à 16h30 pour relever les bulletins. La directrice n'est même pas présente dans les locaux et les enseignants ne sont visiblement pas plus informés que les parents des conditions du vote.

Pas d'urne ? Pas grave, leur répond la fonctionnaire, vous n'avez qu'à me les donner et, joignant le geste à la parole, elle aurait d'après nos sources ramassé leurs bulletins à la volée, au risque d'en perdre quelques uns. Comme le vote se termine à 18 heures , elle s'y engage, promis, elle restera jusqu'à la fin sauf que bientôt, il n'y a plus personne pour recueillir les votes, à en croire certains parents sidérés de se retrouver ainsi le bec dans l'eau.

Un véritable fiasco

La première tentative de vote fut un cuisant échec ; le taux de participation étant apparemment très faible, dixit la mairie.

Alors, puisqu'il fallait voter à tout prix, le service Éducation Jeunesse a décidé, à l'unanimité de lui-même (en tout cas sans recueillir apparemment ni l'avis des parents, ni celui des enseignants) de prolonger le vote jusqu'au vendredi 31 janvier, en imprimant cette fois-ci les bulletins et en les confiant aux enseignants pour qu'ils les remettent dans les cahiers de correspondances des 61 élèves qu'on estimait concernés par le vote (sur les 103 élèves de Michelet).

Certes, toujours pas d'urne mais on ne va pas chipoter pour si peu, il y a déjà eu de gros efforts, tout de même !!!

Le vendredi matin, à l'issue du vote, 3 représentants de parents d'élèves se rendirent en mairie dépouiller les bulletins papier qui les y attendaient déjà.

Sur les 30 votes comptabilisés (49% de participation pour les 61 élèves consultés et 29% de l'effectif global de l'école), c'est une égalité parfaite, leur dit-on. Combien de votes électroniques, combien de nuls, combien de bulletins écartés (certains parents ont en effet refusé d'indiquer leur nom sur le bulletin Ndlr) ? Ils ne le sauront jamais.

Quelques minutes seulement après le « dépouillement », tout s'accélère : lundi 3 février, un conseil d'école extraordinaire est organisé dans l'urgence, les représentants de parents d'élèves sont convoqués par un mail de la directrice, les enseignants via WhatsApp (Tik-Tok était en panne ?).

Certains parents d'élèves se sont bien étonnés des conditions de vote et du délai de convocation (24 heures) mais souvenez-vous, il fallait aller vite, toujours plus vite, quitte à confondre vitesse et précipitation.

Car, réglementairement, il faut 8 jours de préavis pour convoquer un conseil d’école extraordinaire, ce dont ni l'inspectrice de l'éducation nationale, ni la directrice, ni le service Éducation Jeunesse ne semblaient être informés, pas plus au passage que notre ancien doyen de faculté.

En cas d’urgence, on peut effectivement ramener ce délai à 48 heures mais comment le justifier ici sachant que l'école est fermée depuis plus d’un an déjà ?

Ils avaient refusé de voter le 19 novembre ? Pas grave, à force d'insistance et de persuasion, ils ont fini par le faire le 3 février 2025.

Et cette fois, le vote est définitif : 5 voix contre 9.

Ainsi, en s’appuyant sur un simulacre de consultation qui n'avait pourtant dégagé aucune majorité (bien au contraire, il n'y avait que 15 votes pour le maintien à Paul Long sur les 103 élèves que compte cette école) dont les parents d’élèves ne sont d'ailleurs même pas certains des résultats (serait-on dans une république banan'hyères?), la décision de « maintenir les élèves à l’école Paul Long » a finalement été prise une bonne fois pour toutes, sonnant ainsi définitivement le glas de Michelet qui ne rouvrira pas.

Pour faire passer la pilule aux parents d'élèves, l’adjointe à l’éducation tente de les rassurer : « si on retournait à Michelet, ce serait une école en difficulté ». Mais, justement, dans l'intérêt de ces élèves en difficulté, ne valait-il pas mieux avoir 15 enfants par classe à Michelet plutôt que 18 à Paul Long ?

Le maire prend finalement part au vote en conseil d'école

Quant au maire qui s'était pourtant engagé à respecter la volonté des parents, il a finalement voté lors du conseil d'école ; son bulletin faisant peut-être pencher enfin la balance du bon côté ?

Mais, à sa décharge, il n'est pas le seul à être ici juge et partie : la fermeture de l'école garantit en effet aux enseignants 1500 points de bonification pour leur future mutation. Étonnamment, peu d'entre eux s'opposeront à la fermeture. Et leur attachement à l'école, dans tout ça ? Deux viennent tout juste d'arriver en septembre 2024 et la doyenne de l'école n'a « que » 4 ans d'ancienneté...

Inquiète, une maman demande si une fermeture de classe est toujours d'actualité. Le maire, toujours très tactile, prend alors l'inspectrice par le bras et répond à sa place : « ma copine ne peut pas vous le dire car elle est soumise au devoir de réserve mais moi, je peux ! Le directeur académique m'a assuré qu'il n'y aurait pas de fermeture l'année prochaine ».

Pas de fermeture de classe, les voilà rassurés : sur les 6 classes de Michelet, 4 iront à Paul Long (élémentaire) et 1 au jardin d'Orient (maternelle).

4 + 1 = 6 ? L'arithmétique ne serait-elle plus enseignée à l'école ?

Pas grave, bientôt il n'y aura même plus d'école.

Avec l'anedocte de sa « copine », on touche d'ailleurs du doigt (ou du bras) toute la difficulté pour la jeune et nouvelle inspectrice d'être logée contre services ; les bureaux de l'inspection se situant en effet dans les locaux communaux de l'école des Îles d'Or, après avoir été hébergés pendant des décennies au sein de l'école Anatole France. Difficile dans ces conditions de résister à la pression (des doigts).

En définitive, à qui incombe la décision de fermer cette école ?

Les parents d’élèves ne sont pas dupes : lors de ce conseil d’école extraordinaire, on a habilement essayé de leur refiler la patate chaude de cette fermeture, épargnant ainsi à nos vaillants élus l’embarras d’assumer leur choix.

Et difficile de leur donner tort, car si cette consultation pouvait éventuellement servir à dégager une tendance (ce qui ne fut pas le cas Ndlr), elle n’avait en réalité aucun pouvoir décisionnaire sur la fermeture de l’école.

D’ailleurs, le site de l’Éducation nationale est formel : une fermeture d’école relève d’un vote en conseil municipal (lire ici).


Extrait du site de l'éducation nationale

Pourtant, lorsque l'article est paru, ça n'a choqué personne : ni nos élus, ni l'éducation nationale, ni les syndicats enseignants, ni les journalistes, ni même le Préfet d'ailleurs.

Un pur déni de démocratie, orchestré apparemment dans la plus parfaite illégalité, qui nous prive au passage d'un vrai débat républicain sur l'avenir de ce bâtiment de notre patrimoine communal dont on apprend finalement dans le journal Var Matin (édition du 8 février 2025) que Jean-Pierre GIRAN envisagerait d'y organiser dès cet été des masterclasses en collaboration avec l'institut français de la Mode.


Var Matin (8 février 2025)

Décidément, à Hyères, les rumeurs semblent avoir une fâcheuse tendance à devenir réalité. Dès décembre 2023, nous évoquions déjà l'idée d'une annexe de la villa Noailles à la place de l'école Michelet...

L'urgence de ce vote en conseil d'école extraordinaire n'était-elle pas en définitive de statuer sur la fermeture de l'école afin que le conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN) puisse la valider le 28 février prochain ?

Le gabian déchaîné, adepte de la théorie du complot ?

Si nos suppositions sont toujours exactes, il ne restera plus ensuite qu'à changer la destination du bâtiment pour être fin prêts pour accueillir ce « pole de formation, de production et d'incubation d'entreprises axées sur les activités culturelles et créatives telles que la mode ou le design » ; le pactole ainsi récolté permettant alors de remettre en état ce bâtiment savamment négligé sans pour autant bourse délier. C'est de la haute couture !!!

Pourtant, si le bâtiment présente vraiment un risque incendie, comment expliquer que le maire autorise le club de tennis de table hyérois à utiliser le gymnase de l'école non seulement pour s'y entraîner mais également pour y organiser des compétitions départementales ?


Quelques images du derby Hyères-Carqueiranne
sur la page Facebook du "Tennis de table hyérois"

Les manœuvres des véhicules incendie dans les ruelles de la vieille ville ne sont-elles pas les mêmes suivant qu'il s'agit d'écoliers, de stylistes ou bien encore de pongistes  ?

Reste à savoir si, d'ici le 28 février, l'opposition prendra enfin la balle au bond et montera au filet pour réclamer un conseil municipal extraordinaire afin d'empêcher ce véritable raquette patrimonial.

Sinon, pour l'école Michelet, ce sera jeu, set et match...




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