CCN : la Chambre Régionale nous met le compte

Accablant !

C’est le premier mot qui nous est venu à l’esprit à la lecture du rapport de la Chambre Régionale des Comptes.

On attendait depuis plusieurs mois ses conclusions avec impatience et on doit dire qu’on n’a pas été déçus car c'est bel et bien une rouste, une véritable déculottée (décidément, il ne faudrait pas que ça finisse par devenir une habitude...) qu'inflige à notre édile la CRC (à lire ici).

Certes, sur la situation financière de la commune, les magistrats de cette vénérable institution soulignent une bonne maîtrise des dépenses de fonctionnement. Mais il ne faut pas y voir de la prudence budgétaire mais plutôt de la pingrerie puisque notre oncle PICSOU local fait des économies de bouts de chandelles sur l’entretien des bâtiments existants. Car de l’école Michelet à l’Espace 3000 ; chacun de nous est en mesure aujourd’hui de constater les dommages collatéraux de cette politique dévastatrice  puisqu'une fois les bâtiments tombés en ruine, on engage des rénovations pharaoniques comme pour l’Espace 3000 où on accepte de payer, sans sourciller, près de 10 fois le montant initialement estimé des travaux…

Mais ces investissements, presque exclusivement financés par la vente des bijoux de famille (propriétés communales, baux emphytéotiques, etc.), ont au moins le mérite de ne pas influer sur la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) qui est un des principaux critères d’évaluation de la CRC. Et ça, notre génie des finances, ancien professeur d’économie, le sait pertinemment.

C’est donc une situation économique remarquable ou désastreuse suivant par quel bout de la lorgnette on la regarde.

Le 6 septembre, lors du prochain conseil municipal, le maire va probablement se gargariser de cette partie du rapport mais il lui sera sans doute beaucoup plus difficile de mettre sous le tapis les conclusions de la CRC en ce qui concerne le Centre Commercial du Nautisme (CCN).

Car le rapport est sévère et, dès le début, la CRC tape là où ça fait mal : le marché public a été « saucissonné » afin de rester volontairement sous le seuil de passation européen des marchés publics (5 548 000 € HT) ; certains travaux pourtant en lien direct avec l’opération étant réalisés hors marché afin de contourner le problème. Inutile de vous dire que cette suspicion de « saucissonnage », le maire salami dans une colère noire…

Quant au cahier des charges, il est jugé tellement sommaire et imprécis qu'il ouvre une véritable boite de Pandore à tous les aigrefins à l’affût d’éventuelles failles contractuelles.

D’ailleurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ne devrait-on pas logiquement s’inquiéter dès à présent du CCTP (Cahier des Clauses Techniques Particulières) pour le moins laconique dans le cadre de la rénovation de l’Espace 3000 ?

Enfin, et surtout, les magistrats s'étonnent de ce très curieux choix de découpage du marché (c’est ce qu’on appelle l’allotissement qui permet aux entreprises d’accéder à la commande publique quelle que soit leur taille Ndlr) puisque le lot N°1 (gros œuvre, couvertures, menuiseries, terrassement et voirie, etc. remporté par le groupement ERGC-VIGNA) représente à lui seul 75% du montant total du marché (4 M€), ce qui est de nature selon la Chambre Régionales des Comptes à fausser la concurrence. Ce « macro-lot » a ensuite été sous-traité par les titulaires à une quinzaine d’entreprises différentes alors qu’il aurait pu, selon la CRC faire l’objet de lots séparés ; évitant ainsi « d’importantes difficultés de réalisation et de suivi », épinglées dans le rapport, « qui ne sont toujours pas résolues à ce jour ».


Extrait du rapport de la CRC

Quand on connaît la proximité de la société VIGNA avec un proche collaborateur du maire bien connu de nos lecteurs (mon premier est une éructation, mon second n'est pas très rapide et mon tout est un plombier-chauffeur bénévole), il ne faut peut-être pas beaucoup s'étonner que leur proposition ait été incomplète et de surcroît supérieure de 25% à l'estimation faite par la commune. Ce qui ne les a pourtant pas empêchés d'être retenus pour ce macro-lot qui nous semble taillé sur mesure et qui va sans doute continuer à faire couler beaucoup d'ancre sur le port...

Pour les autres lots, ce n’est guère plus reluisant puisque, lors de la consultation, « certains justificatifs étaient manquants » et que certaines des offres paraissent à la CRC « anormalement basses ».

Ce qui a ainsi permis aux entreprises de remporter le marché avec des tarifs défiant toute concurrence (c’est le cas de le dire) et surtout avec la bénédiction de la commune qui, grâce à ces véritables « cadeaux d'amis », trouvait elle aussi son bénéfice en restant sous le seuil européen tant redouté. Le hic, c'est que les titulaires du marché se sont ensuite rattrapés en réclamant à cor et à cri des avenants (modification du prix initial pouvant aller jusqu’à 15% du montant total du marché sans avoir besoin de l'avis de la commission d'appels d'offres), comme ce fut par exemple le cas sur la place Clémenceau où le montant des avenants s'est élevé à la coquette somme d'1 million d'euros.

Voire même en utilisant des matériaux de moins bonne qualité (certains semblent tout droit sortis de chez AliExpress comme les expertises l'ont démontré) ou bien encore en faisant purement et simplement des impasses sur les travaux, comme l'explique la CRC.


Extrait du rapport de la CRC

Tout ceci n'est évidemment possible qu'à la condition que les fonctionnaires chargés de l'exécution et du suivi du marché ne soient pas trop regardants...


Le maître d'œuvre, le maître d'ouvrage et le maître chanteur

Et c’est d’ailleurs sur le suivi de ce marché que se concentre la CRC dans la 2ème partie de son rapport.

Le Centre Commercial du Nautisme aurait théoriquement dû être livré en janvier 2019 mais, 5 ans plus tard, les travaux ne sont toujours pas terminés et la CRC s’étonne donc à juste titre de l’absence de toute pénalité de retard, pourtant bien prévues contractuellement au marché

Faut-il y voir encore la preuve d’un certain laxisme ou au contraire d’une relative bienveillance de la commune à l'égard de certaines des entreprises titulaires ?

Quant à l'axe de défense actuel du maire, qui tend à décharger sa responsabilité et celle de ses services sur le maître d’œuvre (la société GIE REVEA Concept), il semble quelque peu mis à mal par la CRC qui estime bien au contraire que la commune (le maître d'ouvrage Ndlr) ne pouvait décemment pas ignorer la situation et notamment le nombre conséquent de réserves (129) sur les travaux.


Extrait du rapport de la CRC

Puis, un peu plus loin dans le rapport, on déniche une autre pépite qui enfonce définitivement le clou...


En fait, c’est même encore plus grave que cela puisque nous n'hésitons pas à affirmer que même le maire connaissait parfaitement la situation chaotique au CCN dès 2018, date à laquelle Denis INFANTE, représentant des commerçants du port, l’avait alerté à de nombreuses reprises.

Mais cette fois-ci, il sera difficile pour notre édile de jouer les Caliméros et de crier au complot politique car on ne peut pas vraiment dire que Denis INFANTE soit un opposant, loin s’en faut, puisqu’il était colistier de Jean-Pierre GIRAN, en 42ème position sur sa liste « une passion pour Hyères » lors des élections municipales de 2020 et qu'il avait même jusqu'alors toute sa confiance puisqu'il était de fait son mandataire financier lors de sa campagne électorale de 2008.

Mais, sans qu’on sache vraiment pourquoi à l'époque (aujourd'hui, en revanche, c'est beaucoup plus clair pour nous), le maire fit la sourde oreille ; provoquant l'exaspération de son ami de 30 ans pris en tenaille avec les commerçants du port, fatigués de devoir écoper leurs locaux commerciaux tout neufs à chaque nouvelle pluie.

C'est ainsi que malgré 578 anomalies et 129 réserves du bureau de contrôle DEKRA, Jean-Pierre GIRAN inaugura le Centre Commercial du Nautisme le 26 avril 2019, à quelques mois des élections municipales et à grands renforts d'hueres supplémentaires (tout comme on inaugurera très probablement en février 2026 l’Espace 3000, sans doute dans les mêmes conditions...).



Inauguration du CCN (26 avril 2019)

Une inauguration en grandes pompes d'un décor en carton pâte car, si effectivement la façade est rutilante (le maire s'en vante suffisamment), l'envers du décor n'a visiblement pas bénéficié des mêmes finitions...


La partie visible du CCN


L'envers du décor...

Un constat d'huissier sera réalisé un an après l'inauguration du CCN, à la demande expresse du directeur du port de l'époque (parti depuis à la retraite Ndlr) qui tirait une nouvelle fois la sonnette d'alarme en mairie « sur l'état d'avancement des travaux alors que des anomalies importantes sont constatées sur le terrain ».


Extrait du rapport de la CRC

La lecture de ce document (disponible ici dans son intégralité) fait tout simplement froid dans le dos quand on pense qu’il s’agit d’argent public (et de celui des commençants pour être tout à fait précis) et que tous les travaux épinglés dans ce constat avaient déjà été payés à 100% par la commune au moment du constat.


L'huissier a notamment constaté les vitres brisées,

le niveau des finitions intérieures des dormants,





et les vides sanitaires censés avoir été refaits à neuf...

A ce jour, les problèmes de vitrage ne sont toujours pas totalement résolus ; ce qui pose évidemment un sérieux souci de sécurité quand on sait qu'il s'agit d'un établissement recevant du public.

A partir de ce constat d'huissier, et bien qu'on soit à seulement quelques encablures de Carqueiranne, difficile ensuite de continuer à soutenir la théorie comme quoi les fausses factures étaient faites à l'insu du plein gré de la commune...

Sauf à considérer peut-être qu'il s'agisse d'un miracle ? Celui bien connu de l’immaculée surfacturation, où des fausses factures tombent directement du Ciel et sont payées par l’opération du Saint Esprit…

Notre maire qui es aux Cieux, que Ta volonté soit faite ! Amène...

Plus sérieusement, en dépit de toutes les expertises (on en dénombre 6 actuellement) et le constat d'huissier réalisés, la commune a préféré régler rubis sur l'ongle les factures (passant de 60% du montant total payé en juin 2019 à 94,7% en septembre 2020,  quelques semaines seulement après le constat d'huissier) plutôt que de bloquer le paiement des travaux, ce qu'elle était parfaitement en droit de faire à ce moment-là.

4 ans après la fin des travaux et l'inauguration en grandes pompes, 3 ans après le constat d’huissier accablant, et sans doute poussé dans ses retranchements par le représentant des commerçants du port, le maire finira par mandater le cabinet Grant Thornton pour un audit des travaux du CCN.

Celui-ci relèvera des erreurs de métrés (pour la coquette somme de 251 000 € HT), l’absence pure et simple de réalisation de certains travaux, des prestations dénaturées (matériaux non équivalents ou moins chers), des défauts de conformité voire même la fourniture de faux documents (fausses factures et faux certificats) pour un montant total de 1 352 632 €.


Extrait du rapport de la CRC

Malgré cet audit à charge, le maire continuera à minimiser l’ampleur de la catastrophe, en évoquant quelques mois plus tard en conseil municipal « peut-être 500 000 € » de préjudices pour la commune.


Extrait du conseil municipal du 8 décembre 2023

Après que deux premiers signalements aient été faits par des tiers (dont un a d'ailleurs conduit la Chambre Régionale des Comptes à s’intéresser de plus près à ce dossier tentaculaire), le maire finira le 26 juin 2023 par faire (enfin) lui aussi un signalement au Procureur de la République (selon l’article 40 du code de procédure pénale Ndlr).

Pour être francs, on n'a toujours pas très bien compris pourquoi le maire s'est contenté de faire un signalement puisqu'avec 6 expertises et un constat d'huissier à l'appui, il disposait selon nous de tous les éléments pour pouvoir directement porter plainte (contre X éventuellement, s’il avait encore le moindre doute sur les responsables).

Sauf à vouloir peut-être faire bonne figure devant la presse et les élus sans forcément souhaiter faire de vagues (ce qui est plutôt prudent puisque, rappelez-vous, nous sommes dans un espace nautique), quitte à ne pas donner suite à son signalement, une fois l'écume dissipée.

Actuellement, les travaux du CCN ne sont toujours pas réceptionnés et il y aurait même, d’après nos informations, une 7ème expertise prévue dans les tuyaux (percés) municipaux ; alourdissant encore un peu plus la douloureuse de ce cuisant échec du CCN que la conclusion de la CRC suffit à elle seule à résumer :

Projetons-nous maintenant 24h dans le futur...

Demain en conseil municipal, la stratégie du maire sera on ne peut plus simple : absolument tout nier en bloc !

Il affirmera être personnellement allé voir les commerçants du port qui lui ont fait part de leur satisfaction pour la qualité des travaux réalisés au CCN, il produira sans doute pour se justifier un courrier d'infinie gratitude totalement désintéressé signé par certains d'entre eux (en omettant peut-être de préciser que le contenu initial avait été pré-écrit par un des avocats conseils de la commune), il fustigera probablement les magistrats de la CRC qui sont d'après lui « tous des nuls » et qualifiera même Denis INFANTE de « malade mental » comme il l'a déjà fait lundi soir lors de la réunion des élus de la majorité.

Le seul point sur lequel nous ne donnons pas tout à fait tort à Jean-Pierre GIRAN, c'est que la Chambre Régionale des Comptes n'est effectivement pas allée assez loin dans son analyse puisque le détournement de fonds publics qui a eu lieu au CCN n'a pas été évoqué dans son rapport.

Souvenons-nous en effet que le maire a tenté de faire payer aux commerçants du port des travaux sur des bâtiments municipaux (près d'un million d'euros) et, lorsque le pot aux roses a été révélé, il s'est empressé de faire machine arrière; faisant voter le 19 novembre 2021 une délibération totalement ubuesque transférant 965.686,26 € au budget du port, afin de « régulariser » la situation que lui réclamaient en vain les commerçants et Denis INFANTE en particulier depuis déjà plus de trois ans.


Extrait du CM du 19/11/2021

5 ans après l'inauguration, il ne faut malheureusement pas s'étonner que les travaux ne soient toujours pas terminés, quand on voit le pédigrée de certaines entreprises... Payées à 100 %, celles-ci auront préféré jouer le pourrissement de la situation plutôt que de finir leur boulot ; le contentieux pouvant en effet traîner pendant des années. Tout en sachant qu’entre-temps, elles auront sans doute été liquidées ; effaçant ainsi leur ardoise puis renaissant tel le Phoenix de leurs cendres, sous un nouveau numéro SIRET.

La société nouvelle VIGNA Méditerranée (qui, vu son nom, n'en est probablement pas à son coup d'essai), co-titulaire du fameux macro-lot No1 sur lequel la plupart des surfacturations sont constatées, sera finalement placée en redressement judiciaire tandis qu'OMEGA Étanchéité qui a fait des impasses sur les travaux d'étanchéité, fourni de faux documents et menacé physiquement l'expert venu constater les malfaçons (des pratiques qu'on pourrait peut-être qualifier de mafieuses ?), sera liquidée avant de réapparaître sous un nom à peine modifié : OMEGA ETANCH.

Mais alors, comment donc ont été choisies ces sociétés ?

Pour nous, c'est une évidence, ce vivier d'entreprises « vertueuses », c'est dans le proche entourage de Roland ATLAN, le chauffeur bénévole du maire qu'il semble bien qu'on soit allé les pêcher, ce dernier usant probablement  de toute son talent de persuasion et de l'influence tacite de son « père spirituel » dans les différents services municipaux, pour faire discrètement régler les factures douteuses.

C'est également en toute discrétion qu'il participait aux premières réunions de chantier du CCN alors qu'il n'avait pourtant rien à y faire, du moins sur le papier...

Sauf que cette fois-ci, Roland a eu un petit caillou dans la chaussure en la personne de Denis INFANTE.

Avec le CCN, toucherait-on finalement la partie immergée de cet iceberg hyérois de corruption qui risque fort en plein cœur de l’ATLANtique, de faire sombrer corps et âme le Giranic ?

C’est ce que nous vous dévoilerons dans notre prochain article qui, après le volet comptable, s’emploiera à décortiquer le volet mafieux de ce dossier.

Car, maintenant que le décor est planté et que Médiapart vient de publier à l'instant un article tout aussi accablant que le rapport de la CRC sur le sujet (à lire ici) qui confirme malheureusement les informations que nous vous donnons depuis 2021 (lire ici,  et encore ici), il est en effet grand temps pour nous de publier le troisième et dernier acte de ce dossier sulfureux.

Nous vous donnons donc RDV dans 15 jours pour le clan du Saint-Cyrien partie 2... 



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