Nounours et le marchand de sable
Arrivé au-dessus d'Hyères les Palmiers, il descend à l'aide de son échelle jusqu'à la fenêtre de la chambre de Bruno et Magali, les cousins provinciaux de Nicolas et Pimprenelle, qui l'attendent sagement en pyjama, les dents déjà brossées.
Ils sont
prêts à écouter une des histoires que Nounours a l'habitude de leur raconter avant
d'aller dormir.
Très
vite, les enfants s'aperçoivent que Nounours est inquiet.
Questionné, l'ours leur
explique que c'est parce qu'il n'a pas de nouvelles de son ami, le marchand de sable.
« Ne t'inquiète pas, gros
Nounours, il ne s'est pas perdu » le rassure aussitôt Bruno. On l'a simplement
envoyé à Ollioules chercher du sable pour répandre sur nos belles plages des
Pesquiers,
de la
Capte et de la Potinière.
- Mais, les enfants, du
sable, on en a déjà à revendre ici ! Il suffit simplement de le pomper aux bons
endroits pour le déposer ensuite là où il y en a besoin. C'est bête comme chou.
- Tu
sais, Nounours, le sable là-bas, il est tellement plus blanc, plus beau, plus
fin, plus doux.... Il est vraiment idéal pour « engraisser » nos plages et
accueillir ainsi, comme il se doit, nos touristes.
Nounours commence à perdre patience : « Ça suffit ! Les histoires, ici, c'est moi qui les
raconte. Finalement, vous n'avez pas besoin du marchand de sable car
vous êtes déjà très forts pour endormir tout le monde. Prenez bien garde à ne pas
jouer les apprentis sorciers car si vous mettez sur les plages du sable de
carrière, quand bien même serait-il naturel, vos chers touristes risquent bien
d'avoir les fesses talquées ».
Bruno et
Magali regardent Nounours perplexes.
- Parfaitement. Vous ne le savez sans doute pas mais ce sable, même lavé, est
poussiéreux et chargé de silice. Quand on le déverse dans l'eau, celle-ci prend alors une couleur blanche laiteuse. Au passage, nos amis les poissons attrapent la silicose et notre chère posidonie se croit en vacances au ski.
lors d'un « engraissage » avec du sable de carrière
- Et
dites moi, combien ça nous coûte cette petite plaisanterie,
depuis près de 12 ans ?
Hésitante,
Magali regarde Bruno qui, d'un coup d'œil l'encourage à répondre.
- Environ
50 € le m3, répond Magali dans ses petits souliers.
Nounours
fulmine : « Vous plaisantez, j’espère ? C'est trois fois plus cher que le sable pompé sur place ! » (15 € le m3 NDLR).
Les
enfants, penauds, ne savent plus quoi répondre.
- Si je résume, pour chaque mètre cube de sable déversé sur les plages, c'est donc 35 € que vous gaspillez ? Bravo les enfants ! Au bas mot, votre bêtise coûte depuis 12 ans au contribuable une bonne centaine de milliers d'euros par an. Dites donc, ça ne vous a jamais interpellé que l'addition soit aussi sa(b)lée ?
Un silence
glacial tombe sur la chambre. Les deux enfants n’osent même plus soutenir le regard de
l’ours.
- Avec de
pareils nigauds, c'est à se demander s'il n'y a que les plages qu'on engraisse
à Hyères ?!? Sans parler de la pollution de tous ces camions qui doivent
traverser toute l'agglomération pour livrer le sable. C'est bien la peine de s'embêter à rédiger des
chartes écologiques, des bilans routiers et des études
environnementales sur l'agglomération si la métropole elle-même joue les
mauvais élèves...
Sous son pelage,
Nounours vire au rouge cramoisi.
- Et pour
ce qui est de la couleur, continue l’ours, il ne fallait pas non plus vous alarmer inutilement. Le sable mouillé finit toujours par reprendre sa belle couleur dorée,
comme sur toutes les autres plages de la presqu’île. Il suffisait
simplement de patienter en le laissant sécher.
Nounours enrage « Ouh, si je ne me retenais pas... Je suis à deux griffes de vous dénoncer à
Explore & Preserve !!! »
Le nez de
Magali se fronce. Elle est au bord des larmes.
- Je savais qu'on pouvait jeter l'argent par les fenêtres, enrage Nounours. Grâce à vous, on peut aussi l'engloutir dans la mer car, à chaque coup de vent d'Est, soyez certains que le ressac emportera tout votre précieux chargement. Pourquoi croyez-vous donc qu'il faille chaque année systématiquement ré-engraisser les plages après la saison hivernale ? Vraiment, quel gâchis, alors qu'il vous aurait suffi d'aller pomper le sable au large de la Bergerie ou de la Capte, là où il se re-dépose naturellement une fois que la mer s'est calmée.
Furieux,
Nounours lève les bras au ciel.
- Quand
je pense que la commune de la Seyne-sur-mer se gargarise d'avoir trouvé une
technique de ré-ensablement écologique, en prélevant du sable immergé plutôt
que d'utiliser du sable de carrière (une première, selon eux, au niveau de notre
territoire), alors que nous utilisions cette technique à Hyères depuis des décennies avant que vous ne décidiez, allez savoir pourquoi, de l'abandonner. Rassurez-moi, vous n'avez pas prévu ensuite de remplir
la mer au pistolet à eau ou encore de la refroidir avec des glaçons ?
« Mais gros Nounours, on pensait bien faire » essayent tant bien que mal de se justifier les deux enfants qui, s'ils l'avaient pu, seraient bien rentrés dans un trou de souris...
Inutile
de préciser que, ce soir-là, les enfants sont allés se coucher sans histoire.
Nounours, quant à lui, est reparti dans le ciel, vers d'autres pays, endormir d'autres enfants sans doute plus méritants que Magali et Bruno.
L'épisode s'achève, comme à l'accoutumée, sur un petit air de pipeau.
Si l’on en croit l'expression populaire, le marchand de sable ne fait pas fortune au bord de l'eau sauf peut-être, ici, à Hyères les palmiers ?
Ici s'arrête la fiction.
Car, si dans notre histoire, les enfants fautifs ont bien été punis de leur bêtise, dans la réalité, les fonctionnaires dépensiers ne sont non seulement pas inquiétés mais continuent même tranquillement de gravir les échelons hiérarchiques, comme si de rien n'était.
Bonne
nuit les petits, faites de beaux rêves !!!