La Malédiction des Profanateurs de Sépultures

Ce soir-là, lorsque la traditionnelle partie de jeu des 7 familles avec ses parents est terminée, le petit Maxime s’apprête à aller se coucher.

Une fois au lit, après une dernière histoire, puis une autre, le petit garçon ne tarde pas à s'endormir. Sa maman l’embrasse alors tout doucement puis referme délicatement la porte de sa chambre ; laissant son fils plongé dans les bras de Morphée.

Sous le coup de Minuit, Maxime se réveille en sursaut. Il est en sueur, il a l’impression que quelqu’un l’observe…

Il essaye de se rendormir mais rien n’y fait, la désagréable sensation d’une présence étrangère dans la pièce persiste.

Courageusement, il se lève et, après quelques hésitations, regarde sous son lit.

Rien.

Rien non plus dans le placard, si ce n’est ses vêtements, quelques peluches et les derniers cartons du déménagement que ses parents n’ont pas encore eu le temps de déballer depuis leur arrivée, la veille, dans leur nouvel appartement.

Il remonte dans son lit, ferme les yeux quand, d’un seul coup, des grincements sinistres se font entendre.

Affolé, il appelle.

-  Papa, Maman, venez vite, j’ai peur !!!

Ses parents accourent aussitôt pour le rassurer.

Tu vois bien qu’il n’y a rien dans ta chambre, à part ton doudou et toi, le réconforte sa maman.

Son papa, fatigué par le déménagement, perd patience.

-  Terminé pour toi Scooby-Doo, le soir à la télé. Tu fais toujours des cauchemars après.

Maxime sanglote, il l’aime bien ce dessin animé.

Il ravale son chagrin et, une fois ses parents partis, essaye de trouver le sommeil mais c'est impossible. Maxime est transi de peur et serre de toutes ses forces son doudou, Léonard, un cadeau du meilleur ami de son père qui bosse chez VINCI.

Sa veilleuse projette sur les murs de sa chambre des silhouettes chancelantes qui lui paraissent danser une ronde endiablée.

Il a l’impression de revivre le dernier épisode de Scooby-Doo contre le fantôme du Capitaine Cutler, lorsque Daphné se fait attaquer dans sa chambre par l’ectoplasme yankee.

Maxime croit alors entendre des chuchotements qui, peu à peu, se transforment en ce qui lui semble bien être des soupirs d'enfants à vous glacer le sang. Soudain, des coups sourds et violents se mettent à résonner dans tous les murs de sa chambre, comme des marteaux piqueurs venus tout droit de l'Enfer ; masquant même le bruit de l’autoroute pourtant située à quelques mètres seulement.

Ses parents, réveillés eux aussi par cet inquiétant tapage, accourent pour constater, horrifiés, que les objets sur les étagères se mettent à tournoyer dans les airs.

Terrorisée, sa mère prend alors dans ses bras Maxime, cramponné à son doudou, et ils partent tous en pyjamas de l’appartement, sans demander leur reste.

Cette nuit-là, à l'hôtel Best Western où ils ont trouvé refuge, ils essayent de comprendre ce qui vient de leur arriver, bien que cela échappe totalement à leur esprit cartésienBien sûr, les Poltergeist, ces esprits frappeurs, ils connaissent mais seulement dans les films de Tobe Hooper.

Le lendemain, sur les conseils de sa femme, le père qui n'a pas fermé l'œil de la nuit et dont toutes les certitudes ont vacillé cette nuit-là, se rend, tel un zombie, à la paroisse Saint-Louis pour essayer d’y trouver des réponses.

Le diacre l'écoute avec attention en essayant, tant bien que mal, de le rassurer même si, en son for intérieur, il n'est pas vraiment surpris par ces révélations. En effet, les phénomènes paranormaux semblent se multiplier ces derniers temps dans le quartier de la Crestade et, comme aux autres familles qui sont déjà venues le consulter à ce sujet, il lui conseille de faire appel à un prêtre exorciste dont la réputation au sein même du Vatican n’est plus à faire : le père Don Francisco de la sacro-sainte confrérie Olbia.

Contacté, le prêtre accepte de venir rapidement rencontrer la famille et, une fois sur place, muni de son kit portatif d’exorcisme composé de crucifix et chapelets de toutes sortes, de gousses d’ails, de pieux en bois et d’hectolitres d’eau bénite, il se rend seul dans l’appartement pour essayer de comprendre le phénomène et de mettre un nom sur les entités qui semblent visiblement hanter les lieux.

Quelques heures plus tard, il revient les voir, totalement livide, les cernes creusées sous les yeux ; donnant l’impression d’avoir pris dix ans d’un seul coup. Il conseille à la famille de rester encore quelques nuits à l’hôtel et part subitement en leur promettant, entre deux portes, de revenir bientôt.

Des jours et des jours se passent sans que les parents de Maxime n’aient plus de nouvelles de Don Francisco jusqu’à ce soir d’orage où l’exorciste fait une entrée théâtrale dans leur chambre d'hôtel ; la porte d'entrée s’ouvrant violemment sur sa sombre silhouette zébrée d’éclairs, les bras chargés de plans et de parchemins.

L’exorciste leur explique alors, en déployant des trésors de (para)psychologie afin de ne pas les traumatiser davantage, que leur immeuble est, selon les résultats de ses investigations, construit sur d’anciennes sépultures, à proximité d'un moulin médiéval.

Sépultures exhumées dans le cadre
des travaux de la ZAC de la Crestade,
chemin de la Demi-Lune

Pour la mairie et l'aménageur, ce ne seraient en fait que de simples abreuvoirs à bétail (des lavognes, pour être plus précis).

Bref, pour eux, pas de quoi arrêter les constructions, d'autant plus qu’en mars 2020, le bilan des fouilles archéologiques réalisées par « Mosaïques Archéologie » (organisme agréé par l'Etat spécialisé en archéologie préventive NDLR) n'évoquait aucune sépulture ; donnant ainsi le feu vert aux permis de construire finalement accordés en juin 2020.



Bilan (ci-joint) des fouilles
archéologiques réalisées
à la ZAC de la Crestade (14/09/2020)


Mais pour Don Francisco qui, avant d'entrer dans les ordres, était médecin généraliste (il s'appelait alors encore Francis NDLR), il n'y a aucun doute. Ce ne sont pas des abreuvoirs à bétail, mais bien des sépultures renfermant des squelettes humains, il en mettrait son tibia à couper...




Paire de tibias retrouvée
dans une des sépultures

Et, si on prend le temps de creuser encore davantage, on déterre même d'autres cadavres à la ZAC de la Crestade, documentaires cette fois-ci...

Car en avril 2018, les mêmes experts de « Mosaïques Archéologie » avaient déjà réalisé une première étude archéologique dont les conclusions (pages 171 et 172 du document ci-joint) n'étaient indiscutablement pas les mêmes que celles qu'ils donneront pourtant deux ans plus tard, en mars 2020.

En 2018, ils avaient en effet comptabilisé 13 sépultures (datées entre le XV et le XVIème siècle) où étaient enterrés 15 individus (10 adultes et 5 enfants) dont deux gisants dans une sépulture double.

Une des 2 doubles sépultures de la ZAC
(1ère étude archéologique de 2018)

A l'époque, nos deux experts pensaient même qu'il pouvait s'agir de victimes de l'épidémie de peste qui avait sévit à Hyères en 1580.

Alors, pour quelles raisons, entre 2018 et 2020, ces squelettes ont-ils disparu de l'étude archéologique pour réapparaitre ensuite dans l'appartement des parents du petit Maxime ?

Le prix des terrains (18 millions d’euros NDLR) achetés par Bouygues à la Société Publique Locale Méditerranée (la SPLM est une société publique d’aménagement au service des collectivités NDLR) pourrait-il expliquer à lui seul ces phénomènes paranormaux ? Et les permis de construire auraient-ils été délivrés si l’étude archéologique était restée telle qu’en 2018 ?

En tout cas, Don Francisco en est absolument convaincu, ce sont bien les esprits des 15 âmes délogées par les tractopelles qui viennent maintenant hanter les lieux, prisonniers des limbes pour l'Eternité à moins que quelqu'un ne parvienne à les en délivrer.

Au début, je ne comprenais pas car ces esprits se manifestent en général les nuits de pleine lune, explique le prêtre. Mais lorsque je me suis rendu à la mairie pour consulter les dossiers, j’ai compris mon erreur. Il s'agit en fait d’esprits de la Demi-Lune, une espèce assez peu connue du quartier de la Crestade, dont les apparitions surviennent en général le 15 du mois.

Le père n’en revient pas.

-  Mais, on ne nous a jamais dit que c’était un site patrimonial, avec des tombes médiévales… Après l'autoroute, les spectres. C'est pas vrai, on est maudits !!!

Il ne décolère pas...

Et l'Architecte des Bâtiments de France, censé protéger le patrimoine historique, il s'est lui aussi transformé en fantôme ?

La maman, de plus en plus fébrile au fur et à mesure des révélations, questionne alors le prêtre sur les différents moyens de se débarrasser de ces esprits frappeurs.

L’exorciste réfléchit un instant puis avance avec précaution une hypothèse. Cela me semble possible, lui répond-il, en relogeant les anciens locataires et en bénissant leurs nouvelles sépultures, à condition toutefois qu’on ait bien conservé leurs ossements ou qu'on ne les ait pas mis dans un placard en mairie. Mais je préfère être honnête avec vous, ça sera très cher. Comptez environ 1000 € du m² exorcisé.

Sans doute influencée par les lieux, la mère se surprend alors à faire du mauvais esprit...

Mais, dites moi, vous êtes plus cher que les Ghostbusters, vous !!! A ce prix-là, pouvez-vous au moins nous garantir ensuite notre tranquillité ?

Malheureusement, Madame, répond le prêtre tout penaud, les voies du Seigneur sont impénétrables...

Le père se décompose.

-  Au prix où nous l’avons acheté, nous n'arriverons jamais à revendre notre appartement dans de telles conditions.

Maxime, qui n’a pas perdu une miette de la conversation, ne peut s'empêcher d'intervenir à ce moment-là.

-  Rassure toi, Papa, j'ai la solution !!! On déménage et on transforme cet appartement en espace de co-working pour médiums, vaudous et spirites. Et, fais moi confiance, on pourra aussi très facilement le louer pour la Toussaint et la fête d'Halloween. Simplement, en échange, je vous demande juste de m'autoriser le week-end à faire ici des soirées Scooby-Doo avec mes copains... Alors, tope-là, Papa ?

Les deux parents se regardent interloqués par l'aplomb de leur bonhomme d'à peine 8 ans...

Accéderont-ils finalement à la demande du petit Maxime ?

Vous le saurez en lisant le prochain épisode de « La Malédiction des Profanateurs de Sépultures ».

Cette histoire, presque véridique (les logements sont en cours de construction NDLR) a également inspiré un de nos plus talentueux auteurs hyérois, ancien élève de Saint-Cyr, dont le livre devrait, si nos sources sont exactes, être prochainement publié aux éditions « Les cahiers de l'égaré » et s'intituler « J'irai bétonner sur vos tombes », avec une préface de la SPLM, la Société de Profanation du Logement des Morts.





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