Présidence de l'hippodrome : les paris sont ouverts
C'est la dernière ligne droite dans la course effrénée à la présidence de la société hippique du Var (SHV) qui, à Hyères, gère depuis maintenant plus d'un siècle l'hippodrome de la plage, véritable institution pour tous les turfistes varois.
Dans quelques jours, l’assemblée générale élira en effet un nouveau président afin de succéder à Yvan JONIO, l’actuel président qui, frappé par la limite d’âge (75 ans), courait là son dernier derby.
Pour lui, les concours hippiques (à ne pas confondre avec les concours hippies qui sont plutôt des courses de cheveux), c’est une histoire de famille puisque son père, Marcel, était déjà en son temps président d'honneur de l’hippodrome. Et la SHV a d’ailleurs tenu à lui rendre hommage en donnant son nom à la grande tribune et en lui dédiant également une course, le prix « Marcel JONIO » qui se dispute chaque 1er mai (c'est le seul président à avoir eu cet honneur).
C’est sans doute pour cela qu’Yvan, qui fut tour à tour vice-président de la SHV avant d’en devenir président en 2014, a du mal à lâcher les rênes et joue même les prolongations en emplafonnant la limite d’âge de 4 bonnes années ; accusant aujourd’hui 79 ans au compteur.
Pour lui succéder, deux candidats se talonnent : l’un, Alain JACQUES, est le poulain officiel d’Yvan JONIO tandis que l’outsider, Stéphane GUELPA, entraîneur, driver et propriétaire de chevaux, a un profil plus iconoclaste.
Le premier est issu du sérail et fait partie de l’équipe resserrée du président sortant, tandis que le second serait plutôt du style à murmurer à l'oreille des chevaux avec, à son compteur, une victoire au grand prix de Lyon et à celui de Cagnes.
Dans cette course à la présidence, Stéphane GUELPA sait pouvoir compter sur son acolyte, Jean-Marie JOLIT, dit « NANO », ancien jockey et chroniqueur hippique de notre journal local, dont le titre de vice-champion du monde amateur de trot et l’expérience acquise au sein de l’hippodrome depuis plus de 50 ans (dont 39 en tant qu'employé communal détaché) en font une référence incontestée sur le champ de course hyérois.
A eux deux, ils forment un tandem détonnant, sorte de LAUREL et HARDY des paddocks : l’un est grand, l’autre petit, l’un est taiseux, l’autre a la gouaille provençale, l’un arbore un style « gentleman farmer » tandis que l'autre, avec son sempiternel blouson de cuir, ferait plutôt penser au croisement improbable entre Yves Saint-MARTIN et Jean-Paul BELMONDO. Mais tous deux sont animés par la même passion des courses et souhaitent que cette belle dame de 146 ans retrouve son lustre et sa magie d'antan, en « présentant de belles courses » aux passionnés d’hippisme.
Les paris sont ouverts et la côte de GUELPA n'est pour l’instant que de 3 contre 1, face au favori, Alain JACQUES, qui sait pouvoir compter sur les cris d'encouragement dans la tribune de Jean-Pierre GIRAN (et Dieu sait qu'elle porte, sa voie âgée profonde...) ; juste retour des choses pour celui qui fut membre de son comité de soutien officiel lors des dernières élections municipales.
Les chevaux s’apprêtent à débouler sur la piste mais, au-delà de la course que vont se livrer les deux adversaires, c'est bien le bilan des 8 ans de présidence d'Yvan JONIO qui est ici en question.
Pour ce dernier, qui vient d’être nommé en 2022 chevalier de l’ordre national du mérite agricole pour son implication en faveur de l’hippodrome (une distinction qu’il précise ne pas avoir demandée), c’est du « bon boulot » qui a été fait sous sa présidence, n’en déplaise aux hippo-crites. Et c’est sans doute parce qu’il estime avoir « fait son temps » qu’il n’a pas souhaité répondre à nos questions lorsqu’elles devenaient trop pressantes ; abrégeant la conversation et renvoyant la patate chaude au futur président.
Une vision idyllique que ne partagent bien évidemment pas ses opposants qui dénoncent quant à eux des méthodes de management assez caval’hyères, où des employés, pourtant chevronnés, sont poussés à démissionner les uns après les autres et où certaines pratiques (insultes, pressions hiérarchiques,...) nous semblent bien relever du harcèlement moral.
Pour l’intéressé, en revanche, pas de quoi fouetter un cheval et ses propos parfois orduriers à l’encontre de certains salariés (qui lui ont valu un dépôt de main courante) s’inscrivent tout simplement dans la tradition des lieux ; l’hippodrome étant en effet bâti sur une ancienne décharge municipale.
Mais c'est probablement sur l’état catastrophique de l’hippodrome et plus particulièrement sur l’abandon depuis plus de 5 ans du restaurant « Le Panoramique » que le président de la SHV se fait, sans l'hongre d'un doute, le plus virulemment étri(ll)er...
Pour Yvan JONIO, ce sont les dommages subis par la toiture lors des intempéries de 2017 qui ne permettraient plus d’accueillir en toute sécurité les clients du restaurant. D’après lui, ces dégâts seraient considérables, bien « pires qu’à l’Espace 3000 » et leurs réparations n’incomberaient pas à la SHV mais seraient à la charge de la commune.
Alors, pour en avoir le cœur net, nous nous sommes procurés la convention qui lie, jusqu’au 31 décembre 2034, la commune à la société hippique du Var. Et ce document contredit quelque peu la version officielle du président JONIO puisque l’article 13 précise parfaitement que « les réparations et travaux de toute nature, y compris les grosses réparations, sont à la charge de la société » qui doit, en outre « conserver en bon état d’entretien la propriété de l’hippodrome ».
Ainsi, depuis plusieurs années, il pleut notamment dans la salle des commissaires, des courses, sur les écrans de visionnage et autres câblages électriques, sans qu’aucuns travaux n'aient jamais été engagés par la SHV pour assurer la sécurité des personnels, du public ni même permettre la réouverture de tout ou partie du restaurant.
par les intempéries dans la salle des commissaires
Il faut croire que ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés puisque cet ancien assureur n’a pas jugé utile non plus de faire de déclarations de sinistres suite aux intempéries, ni même lorsque des stalles (ce sont des écuries Ndlr) ont été endommagées par un chariot élévateur.
Pourtant, les démarches auraient dû être simplifiées puisque c’est la propre fille d’Yvan qui, reprenant le flambeau familial (chez les JONIO, on est assureurs de pères en fille), assure maintenant l’hippodrome.
Mettons simplement cela sur le compte de la phobie administrative... Toujours est-il qu’à l’hippodrome, on est bien loin du zéro tracas, zéro blabla promis dans la publicité.
Quant aux polices d'assurance souscrites, elles sont apparemment payées rubis sur l'ongle (ulé) depuis des années par la SHV sans jamais procéder à la moindre mise en concurrence. Et, quand certains administrateurs ont commencé à piaffer d'impatience et ruer dans les brancards, le montant de ces polices d'assurance serait apparemment repassé de 38 000 € à 24 000 €.
Soit 50 pur-sang de réduction immédiate…
À quelques jours de la prochaine assemblée générale, un vent de contestation commence donc à souffler sur l’hippodrome car la plupart des administrateurs en ont ras la casaque de voir se délabrer peu à peu ce temple du hippisme varois. Pour eux, trot c’est trot et la fermeture du restaurant « Le Panoramique », aura sans doute été la goutte d’eau qui a fait déborder le plafond.
Mais à toute chose malheur est bon et cette décision de fermeture du restaurant emblématique de l’hippodrome fait visiblement les affaires du second restaurant, « Le Driver ».
Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois que « Le Driver » bénéficie d'un petit coup de pouce de la part de la SHV...
Comme par exemple en 2017 lorsque le « point course » de l'hippodrome (point de vente PMU où les parieurs pouvaient miser toute l’année Ndlr) fut supprimé, très certainement à la demande de Yasmine ROUANE (qui deviendra EL MEDJERI un an plus tard, une fois son futur mari libéré de ses obligations) qui souhaitait pousser les murs du « Café Course » (dont elle fut l'employée avant d'en devenir la gérante), afin de doubler la capacité d'accueil (de 50 à 100 couverts) de ce restaurant qui allait bientôt devenir « Le Driver ». Ou bien encore lorsqu'on lui accorda une augmentation de 2 à 4 ans de la durée de location alors que cette même demande avait toujours été refusée aux 2 co-gérants du restaurant « Le Panoramique ».
Une des questions que nous nous posons aujourd'hui est de savoir si, devant l'ampleur des dégâts subis par la toiture du « Panoramique », le choix n'a pas été fait par la SHV de sacrifier ce restaurant, plutôt que de réaliser les coûteuses réparations ; l'augmentation de la capacité d'accueil consentie au « Driver » leur permettant ainsi de palier la fermeture du « Panoramique ».
C'était « tout bénéfice » pour Yasmine El MEDJERI (dont le chiffre d'affaires explosa), pour la SHV dispensée des travaux mais pas franchement pour l'hippodrome qui tomba un peu plus en décrépitude.
Certes, certains administrateurs se sont bien étonnés à l’époque de la suppression du « point course » qui rapportait à la SHV entre 1,4 et 2,2% du montant total des mises. Mais Yvan JONIO aura probablement réussi à les endormir au sens propre comme au sens figuré, en utilisant peut-être sur eux son talent d’hypnose (véridique) qui fait l’émerveillement des petits et des grands qu’il parvient à endormir d’un simple claquement de doigt.
Pourtant, si on se réfère une nouvelle fois à la convention municipale, ce « point course » n’aurait théoriquement jamais dû disparaître puisqu’il présente « un intérêt direct avec l’exploitation de l’hippodrome ». D’autant plus que, d’après nos sources, ses bénéfices rapportaient bien plus à la SHV que le montant cumulé des locations du Driver et de la Pomme de Pin, cette boite de nuit estivale à ciel ouvert (lire ici notre précédent article à ce sujet) créée par le surprenant nouveau « propriétaire » des lieux, le sénateur Michel BONNUS.
Avec notre cerveau de piaf, nous n’avons pas bien compris non plus en quoi la Pomme de Pin pouvait présenter un « intérêt direct pour les activités hippiques de l’hippodrome » et pour quelles raisons on avait autorisé son exploitation (au grand dam des riverains hyperacousiques) à proximité immédiate d'un espace boisé classé qui risque bien à chaque instant de partir en fumée lorsque les fêtards alcoolisés s’en grillent une dans la pinède asséchée.
Lorsqu’il est arrivé en tant que nouvel administrateur de l’hippodrome, Stéphane GUELPA a naturellement commencé par faire confiance au staff en place car, comme il nous l'a dit lui-même, c'est « dans son tempérament ». Mais, lorsqu’il a commencé à s'étonner de la fermeture du lucratif « point course », s’interroger sur les conditions de renouvellement du contrat (prévu fin novembre) entre la SHV, le Driver et la Pomme de Pin ou bien encore sur le fait de ne pas avoir choisi, comme dans la plupart des hippodromes français, le même prestataire pour gérer les deux restaurants (afin de jouer la complémentarité plutôt que la rivalité), c'est à une véritable omerta qu'il a très rapidement été confronté.
Malgré ses demandes répétées, il lui a été impossible par exemple d’obtenir ce fameux contrat passé entre Yvan JONIO et Yasmine El MEDJERI (la fugace propriétaire de feu l’Anna à qui nous avons consacré ici un article) et qui ne peut pas en aucun cas être un bail commercial, puisque c'est explicitement interdit dans la convention municipale..
Quelle est donc en effet la nature exacte de ce contrat et est-il bien conforme au cahier des charges de la convention municipale ? Autant de questions qui, pour la plupart des administrateurs « non initiés », restent à ce jour sans réponse...
Lorsque nous avons interrogé Yvan JONIO à ce sujet, il nous a soutenu que le contrat avait bien été présenté pour avis aux membres du conseil d'administration (qui ne se semblent apparemment plus s’en souvenir...) et qu’il avait également été transmis à la commune pour information, comme l’exige la convention municipale.
Sauf que, du côté de l'avenue Clotis, il n'y a pas plus de traces de ce contrat que de beurre en branche…
Dans cette histoire, le dindon de la farce pourrait bien être le sénateur du Var… En effet, Yasmine El MEDJERI n’a pas fait de cadeau à BONNUS en lui vendant la société « Le Driver » pour un montant de 300 000 € alors qu'il n'y a même pas de fonds de commerce, ni même de bail commercial.
Pour ce prix-là, seulement une centaine de chaises, une trentaine de tables, deux ou trois fourneaux et une double comptabilité…
Mais, si le nouveau président élu reste dans la continuité du précédent, il y a fort à parier que le « contrat » du Driver sera renouvelé en toute discrétion en novembre prochain ; rassurant ainsi le Sénateur, son fils (le nouveau gérant de la société) et ses employés qui ne sont pas certains pour l’heure de conserver leurs emplois.
Avant l'assemblée générale, le staff d’Yvan JONIO a mis toutes les chances de son côté pour la préparation physique de leur poulain, en choisissant de délocaliser la plupart des réunions de bureau au 3 rue de Provence (dans les locaux de l’assureur Ndlr), probablement par soucis de discrétion sur leur stratégie de course et peut-être bien également de peur que le ciel ne leur tombe vraiment sur la tête, dans la salle de réunion imbibée de l’hippodrome.
De son côté, l’outsider n’a pas pour autant l’intention de tourner l’étalon et, drivé par l'expérimenté NANO, cravache dur afin de remonter son handicap ; caressant le secret espoir de tous les coiffer au poteau et mettre ainsi un bon coup de pied dans la fourmill’Hyères.
Car, tout comme pour de nombreux lots de plage hyérois, il est assez troublant de constater une fois de plus que ce sont toujours des proches du grand banditisme (cette « crème » locale que Chantilly nous envierait presque) qui, depuis des décennies, gèrent le restaurant et le « point course » de l’hippodrome ; se passant successivement les rênes des différentes sociétés paravent, avec la bénédiction de la bande à JONIO.
A quelques semaines de l’élection du futur président de la SHV, inutile de vous dire que les bookmakers sont en transe et les commentateurs, ces pros du baratin, s’en donnent à cœur joie ; tant il est vrai que toutes ces révélations sur le système en place arrivent comme un cheval sur la soupe…