Ma cabane au Canebas

Envolons-nous cette semaine pour Carqueiranne, plus précisément au Canebas où des riverains nous ont alertés sur deux singulières constructions dans le périmètre de la future zone agricole protégée (ZAP).

La première, en l’occurrence une maison appartenant au fils d’un célèbre transporteur routier craurois, également ancien président du club de rugby des 3 communes alentours, a fait l’objet d’une extension qui n’aurait visiblement pas de permis de construire, comme le laissent supposer des tags contestataires sur un des murs du garage : « Permis ? Que fait la mairie ? ZAP ».

Pour la seconde (ci-dessous), d’après ce que nos contacts locaux nous expliquent, il y aurait bien un permis de construire mais la rumeur voudrait que l’ombre d’un ancien président de la Métropole plane sur ce dossier ; le service urbanisme de Carqueiranne n’aurait « rien pu dire, ne pouvant pas faire autrement que d’accorder le permis » selon les propos qui nous ont été rapportés (et qu’il faut donc prendre avec précaution).


Projet de carte postale touristique

Notre enquête s’avérait donc difficile, s’agissant apparemment de notables influents dans le fief même de Marc GIRAUD, ancien homme fort du Département.

Mais il en faut plus pour décourager un gabian déchaîné et nous sommes donc allés toquer à la porte des archives de cette commune pour consulter, après avoir montré aile blanche, les documents d’urbanisme.

Pour l’extension de la première maison, il y avait finalement de la fumée sans feu puisqu’un permis de construire a bel et bien été accordé.

Certes, la maison a été en partie démolie dans le cadre des travaux, apparemment en raison d'un problème de fondation (décidemment ces constructions en terrain agricole révèlent de nombreuses surprises Ndlr), certes l’extension déclarée de 44,27 m² semble, vue de l’extérieur, plus conséquente, certes les restanques en pierre sèche ont été remplacées par des ouvrages bien plus contemporains permettant d’accueillir une belle piscine, certes le permis n’a pas été affiché, empêchant ainsi toute possibilité de recours des tiers mais, ici à Carqueiranne, soyons honnêtes, qui voudrait ennuyer Alain pour si peu ?


Mai 2019 (vue Google Maps)


Février 2023
( avec 44,27 m² en plus et quelques arbres en moins)


Tags sur le mur du garage
(sans doute l'œuvre de quelques envieux ?)

Finalement, c’est sur une fausse piste qu'on nous avait em-brenguier.

Quant au deuxième permis, le sujet est plus épineux puisque ce n’est pas une extension dont il s’agit mais bien d’une nouvelle construction sur un terrain agricole. Une modeste cabane (240,5 m²) adossée à la colline (on n’y frappe pas, on y vient à pied) en lisière de forêt, perchée sur un promontoire avec une vue imprenable sur la plage du Pradon. Maison qui, pour l’anecdote, fut mise en vente en 2023 (dès la fin de sa contruction Ndlr) dans une agence immobilière carqueirannaise de prestige pour la modique somme de 5,5 millions d’euros (soit 22 869 €/ m²).

À la lecture du permis, l’ombre du faucon transalpin ne nous semblait pas planer sur ce dossier (du moins pas sur les documents que nous avons pu consulter) mais nous avons malgré tout décidé d’investiguer davantage, en raison notamment d’un indice intéressant, un document anodin glissé dans le permis qui a tout de suite titillé notre appétit vorace d’oiseau des poubelles.

En l’absence de Plan Local d’Urbanisme à Carqueiranne (les 3 projets successifs de PLU ont tous avorté pour des raisons plus ou moins obscures Ndlr), le permis de construire s’appuyait en effet sur une décision du bureau syndical du SCoT (Schéma de Cohésion Territoriale) Provence Méditerranée pour justifier cette construction dans une zone agricole.

Le 7 décembre 2017, les 4 maires qui y siègent ont tous juré, la main sur le cœur, dans le cadre de l’enquête publique sur le PLU, que le classement en zone agricole de ce secteur n'était pas compatible avec une des orientations du SCoT.


Première page de la décision
du bureau syndical du SCoT 



3ème et dernière page de la décision

Oui mais sauf que…

Sauf qu’il existe deux autres orientations contradictoires dans ce même SCoT qui tendent à protéger les terrains agricoles du Canebas et leurs restanques sèches, comme nous l’ont d’ailleurs bien confirmé les associations locales de défense de l’environnement.

Sauf qu’il ne s’agit que d’un avis du bureau syndical du SCoT dans le cadre d’un PLU qui n’a jamais vu le jour… On peut même se demander comment ce document (qui n’a pas forcément été rendu public) a bien pu arriver là ?

Sauf que le SCoT fixe des objectifs et des orientations générales de développement d’une région mais n’a pas pour vocation de s’occuper du droit local à construire. Ça, c’est plutôt le travail du PLU ou, à défaut, du Règlement National d’Urbanisme (RNU) auquel est désormais soumis Carqueiranne.

Bien qu’il ne soit pas forcément adapté à notre littoral PACA soumis à une forte pression foncière, c’est donc sur la base de ce RNU (qui ne fait visiblement pas que des malheureux à Carqueiranne) et en s’appuyant également sur un joker de luxe (en l’occurrence l’avis du bureau syndical du SCoT qui tombe finalement à point nommé) que le permis a été accordé par la précédente municipalité, sur un terrain agricole en restanques laissé en jachère par pure spéculation foncière.

Visiblement, personne de la mairie ne semble s’être déplacé sur le terrain afin de s’assurer, comme le permis le précise, que « la construction se situe dans une partie actuellement urbanisée » (jugez en plutôt sur la photo ci-dessous) et qu’ « il existe un noyau bâti important de part et d’autre de la construction situé à moins de 100 mètres ».


Vue Google Earth
(en jaune, l'emplacement de la future cabane)

Se pourrait-il finalement, comme cela nous avait été suggéré au début de notre enquête, qu’on leur ait « gentiment » demandé d’accorder le permis sans trop poser de questions ?

Le mobile, le moyen, l’opportunité. Il fallait maintenant découvrir à qui pouvait bien profiter le « crime »…

L'identité de l'acheteur du terrain pouvait-elle expliquer cette autorisation d'urbanisme qui nous semble taillée sur mesure ; sachant que les autres riverains n'ont, bien entendu, pas eu droit aux mêmes faveurs pour leurs propres terrains ?

C'est ce que nous avons cru dans un premier temps, d'autant plus que tous les indicateurs pointaient dans la même direction ; l’acquéreur du terrain étant le fils du groupe GMC Construction que nous connaissions déjà pour avoir construit les immeubles du Green Park ; permis sulfureux accordé à Hyères, dans le secteur Olbius Riquier.

Mais nous avons rapidement déchanté car il s'avère qu'un permis lui a également été refusé sur le terrain agricole adjacent qu’il envisageait d’acquérir pour y construire ensuite une 2ème maison d’architecte.

À nouveau une fausse piste !!!

Il ne nous restait donc plus qu’à enquêter sur la vendeuse du terrain, alsacienne d'origine, puisqu’en fait c’était bien elle qui avait obtenu le permis de construire initial, avant qu’il ne soit transféré au futur acquéreur.

Mais là non plus, rien de bien sérieux à nous mettre sous le bec ; cette native du pays des cigognes ne faisant visiblement pas partie du ghotta local.

Pas de preuve tangible, seulement de maigres indices, tout au plus quelques intuitions, notre enquête s’arrêtait là. Nous avons donc replié nos gaules (c'est ce que l'on fait en Général) et, déconfits (comme ceux de notre cousin palmipède), nous avons regagné nos pénates, en ayant tout de même la désagréable impression d'être passés à côté d'un truc...

Et le déclic, nous l'avons finalement eu un an plus tard.

Tout est alors parti d’une simple intuition : et si, comme on le constate lors de l’attribution de certains lots de plage et autres marchés publics, c'était l'épouse ou la compagne de l'intéressé qui remplissait les formalités administratives à sa place ; passant ainsi en toute discrétion sous les radars ?

Ainsi, en relisant fiévreusement le permis de construire et ses annexes, nous avons eu tout à coup LA révélation…

Sherlock HOLMES avait coutume de dire que « lorsque toutes les éventualités sont éliminées, ce qui reste, si improbable soit-il, doit être la Vérité ».

Et c’est peut-être bien cette Vérité, qui était là sous notre bec depuis le départ, sans qu’on ne sache vraiment où la chercher, et qui nous sautait aujourd'hui aux yeux.

Car ce permis de construire en pleine zone agricole protégée, pourtant refusé pour les mêmes raisons à d’autres riverains du Canebas, avait été accordé à notre amatrice de bretzels sous son nom de jeune fille, afin probablement d'éviter de faire étalage de celui de son influent époux, directeur de cabinet pendant plus de 19 ans du Président FALCO à la Métropole…


Ma cabane au Canebas,

Est tapie au fond des bois.

Bien à l'abri des curieux,

On est heureux…


À quoi bon chercher ailleurs ?

Je sais bien que le bonheur,

Il est là,

Dans ma cabane au Canebas.





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