Le Bossu de l'Espace 3000

Tapie dans la pénombre, à l’abri du regard des curieux, une silhouette difforme veille, depuis des décennies, sur la structure de l’Espace 3000.

Dès l'enfance, cette créature solitaire dont le seul crime n’est pourtant que d'être née bossue, a dû se réfugier dans la charpente protectrice de l'édifice ; y grimpant pour fuir les jets de pierre et les crachats de ses camarades d’école et ne plus avoir à subir les railleries incessantes et cruelles des adultes qui le prenaient pour un monstre de foire.

Car, tous les habitants de la Cité en sont persuadés, sa gibbosité est l’œuvre du Diable.


Depuis, celui qui en est devenu le gardien fidèle, veille amoureusement sur la charpente de l’édifice, compagne muette de sa solitude, a qui il s'est naturellement attaché au fil des années. Pour lui, elle est « magnifique, avec une dimension quasi historique », bien qu’elle ne soit, aux yeux des profanes que nous sommes, qu’une banale structure en bois lamellé-collé d’une quarantaine d’années tout au plus.


Extrait de l'article Var-Matin du 6 avril 2024

Mais il a de qui tenir puisque son cousin parisien, le célèbre bossu de Notre Dame, veille lui aussi religieusement sur la charpente historique de la Cathédrale aux poutres de chêne datant du XIIIème siècle.

Faut-il y voir du mimétisme ou bien un malheureux concours de circonstances, toujours est-il que nos cousins ont tous deux rencontré ces dernières années les mêmes difficultés dans leurs missions de protection du patrimoine historique.

A Hyères, lorsque le cousin de Quasimodo a vu l'Espace 3000 menacer de s'écrouler, il s'est empressé de chiffrer les travaux pour réparer à n'importe quel prix sa charpente chérie.

Mais Grossomodo, notre bossu endémique, a été assez approximatif dans son chiffrage, c'est le moins qu'on puisse dire...

Le coût du projet a en effet augmenté de 600% en deux ans ; passant de 4 à 5 millions d’euros en avril 2022 à 13 millions un an et demi plus tard, puis à 24 millions d’euros aujourd'hui (soit 640 € par contribuable hyérois).


Exrtait de l'article Var-Matin du 1er avril 2022 

 Dans l'article du 24 novembre 2023,
on est déjà passé de 4 à 13 millions d'euros

Lors du conseil municipal du 5 avril 2024,
un budget de 23,95 millions d'euros
est finalement voté

Du fait de son grand âge (à moins que ce ne soit les vapeurs de Xylophène® inhalées pendant tant d'années dans la charpente en bois ?), sa mémoire semble aujourd'hui lui faire défaut puisque Grossomodo ne se souvient absolument plus des 4 à 5 millions qu’il avait initialement évoqués en conseil municipal afin de rassurer l'assemblée sur l'ampleur des dégâts.


Extrait de l'article Var-Matin du 6 avril 2024

Vasimollo, un autre de ses cousins bossus qui a préféré quant à lui investir dans du neuf, faisant son nid dans les combles du nouveau gymnase de Quimper, a bien tenté de l'alerter sur le coût prohibitif de cette rénovation hyéroise en comparaison de son gymnase breton tout neuf, plus beau, plus grand (6891m² contre 3800 m² pour l'Espace 3000) et moins cher (21 millions d’euros).


Futur complexe sportif de Quimper

Mais GrossoModo n’en a fait comme toujours qu’à sa tête ; estimant peut-être qu’il avait suffisamment roulé sa bosse pour se faire une idée précise du prix du marché.


L'ingénieur en chef hors classe
des services techniques municipaux
à l'origine du chiffrage
« On en aura pour 4 à 5 millions de travaux, c'est certain !!! »

Et pour couper court à toute discussion, le bossu de l’Espace 3000 a expliqué qu'une reconstruction complète du bâtiment serait de toute façon impossible du fait du risque d'inondation dans cette zone.

Mais les explications de Grossomodo tombent encore à l'eau puisque le terrain n'est pas inondable, du moins si on en croit le Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) hyérois du 30 mai 2016.


Extrait du PPRI hyérois du 30 mai 2016
(l'Espace 3000 n'est ni en zone bleue, ni en zone rouge du risque inondation)

Aujourd'hui, malgré le fait que le coût de rénovation de l'Espace 3000 ait très largement dépassé le prix du neuf, Grossomodo s'entête dans sa décision, comme si l'argent lui brûlait littéralement les doigts.

C'est quasiment le cas puisque le bas de laine qu'il s'est constitué au fur et à mesure des années, grâce à la vente des baux emphytéotiques et d’autres bijoux de famille communaux, doit obligatoirement être réinvesti en travaux neufs ou en grandes rénovations puisque le produit de ces ventes ne permet pas d’être transféré au budget de fonctionnement de la commune afin par exemple d'entretenir l'Espace 3000, le gymnase des Rougières, l'école Michelet, Jausiers,...

C'est ainsi qu'on en arrive à laisser pourrir le patrimoine existant d’un côté pour dépenser sans compter de l'autre dans des rénovations pour le moins contestables ou des pseudo-reconstructions ; préférant faire des économies de bout de chandelles sur l'entretien des infrastructures existantes, afin d’annoncer en fanfare un excédent du budget de fonctionnement de 23 millions d’euros en 2023 (des résultats « exceptionnels » dixit le principal intéressé, à lire ici), pour mieux jeter l’argent par les fenêtres, parfois directement dans les poches de certains proches qui, même s'ils ne sont pas bossus, font souvent eux aussi la culbute...

Nous ne sommes d'ailleurs peut-être pas au bout de nos surprises, puisque, s’il y a la même dérive sur le pourcentage d’avenants que pour les travaux de la place Clémenceau (12% de rallonge au budget initial), cela ferait grimper l’addition à 27 millions d’euros.

Et si d’aventure, la proportion de fausses factures et de détournements de fonds publics (passant étrangement entre les mailles du filet des services technique et comptable de la commune), était identique à celle du Centre Commercial du Nautisme (1,3 millions d’euros soit 53 % du budget des travaux du CCN), on dépasserait alors allégrement les 41 millions d’euros.

Mais, ne nous y trompons pas, avec 24 millions d’euros, c’est déjà un marché très juteux (plus de 2 fois le prix du neuf pour une structure de même surface) qui attisera forcément les convoitises. Il faudra donc bien évidemment rester très ATLAN-tifs sur le choix de l'entreprise titulaire et de ses sous-contractants…

Nul doute que le projet retenu, présenté en grandes pompes en conseil municipal le 26 avril prochain, sera fantastique, bling-bling et tape à l’œil comme il se doit. Mais n’oublions pas que ce bâtiment quadragénaire ripoliné au prix fort n’aura forcément pas la même longévité qu’une construction neuve, ni d’ailleurs le même coût d’entretien…

Hasard du calendrier, la date prévue contractuelle pour la fin des travaux (le 23 février 2026) tombe un mois à peine avant le premier tour des prochaines élections municipales et cette programmation, purement fortuite évidemment, permettra ainsi à notre bossu de contourner le code électoral puisque la publicité est interdite pendant les 6 mois qui précèdent une élection (article L52-1), sauf évidemment pour l’organisation de certains événements (vœux, fêtes locales, etc) et notamment les inaugurations comme celle prévue de l' « Espace 24 000 000 ».


Epilogue

Nous sommes en mars 2026, le calendrier des travaux a été respecté à la lettre (même si, comme d’habitude, plusieurs centaines de réserves sur les travaux subsistent encore) et Grossomodo a pu enfin remonter dans sa charpente historique tant aimée où il a retrouvé le silence assourdissant de l'édifice, seulement troublé par les cris de la foule les jours de match de basket-ball et les chorégraphies des pom-pom girls en tenue affriolante, qu’il peut à nouveau observer de tout là-haut avec plaisir, toujours solitaire ; crevant d’envie de leur faire toucher sa bosse (censée porter bonheur aux heureuses élues Ndlr).

La journée, il est redevenu une ombre furtive parmi tant d’autres, dans les ténèbres de sa très chère (à tous les sens du terme) ossature en bois maintenant réparée, tandis que la nuit, libéré de tout le carcan des préjugés sur son infirmité, il gambade à nouveau librement en tenue d’Adam sur les toits de l’édifice en se livrant comme à son habitude à une insolite danse de la pluie, tout en incantant des chants païens de sa voix âgée profonde, qui font à nouveau trembler dangereusement la structure de l'édifice et rougir les gabians.

N’y voyez là aucun exhibitionnisme de sa part, c’est simplement qu'en son for intérieur, notre bossu caresse toujours le secret espoir qu’un jour un éclair le fout droit…



Et pour aller un peu plus loin,
l'intégralité des articles de presse
sur lesquels nous nous sommes appuyés...


Article du 1er avril 2022 


Article du 24 novembre 2023


Article du 6 avril 2024







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